Auteures : Nathalie LUSSON, Responsable Pôle E-pédagogie, Lab’UA – Université Angers
Françoise MONTRICHARD, enseignante-chercheure, CNU 64 – IRHS – SeSan, Université Angers
Introduction
Fort de la réussite en licence au niveau national, l’université d’Angers poursuit ses efforts pour réduire les échecs en 1ere année. Le projet que nous vous décrivons ici, développé à La faculté des Sciences, s’inscrit dans ce cadre. Depuis 2012 des tests de positionnements sont réalisés afin d’identifier les étudiants en difficulté et leur proposer une année de mise à niveau : la « L1 – Mise à niveau scientifique ».
Partant du constat que le pourcentage des étudiants en échec en première année de licence scientifique est souvent lié à une mauvaise adéquation entre les connaissances et les compétences des étudiants et le contenu des cours, en particulier pour les étudiants non titulaires d’un baccalauréat de la série S. Il s’est agit dans un premier temps d’identifier les étudiants pouvant rencontrer des difficultés en L1 SVT et dans un deuxième temps de leur proposer un parcours mieux adapté que la L1 SVT : une licence 1 en deux ans. Le premier parcours proposé (2014-2015) consistait à répartir les modules de la L1 SVT classique sur deux ans sans les adapter à ce public particulier mais qui laissait beaucoup de temps libre aux étudiants pour se mettre à niveau. Ayant cependant constaté en fin d’année que les étudiants n’arrivaient pas à se mettre à niveau par eux-mêmes, un deuxième parcours a donc été envisagé. Le deuxième parcours proposé à partir de cette année (2015-2016) comprend une première année de mise à niveau (L1 – Mise à niveau scientifique) correspondant principalement à un encadrement des étudiants dans leur mise à niveau scientifique et quelques modules de la L1 classique principalement transversaux et une deuxième année de L1 SVT classique allégée de ces modules (voir ci-dessous). Le public visé par cette licence concerne essentiellement les étudiants n’ayant pas acquis les bases scientifiques à la fin du secondaire et a pour vocation de leur donner ces bases de manière à ce qu’ils puissent valider une L1 SVT. La procédure retenue pour faciliter l’identification des étudiants pouvant rencontrer des difficultés en L1 SVT s’est déroulée en deux phases, la première par la mise en place de tests de positionnement sur machine en temps limité, la deuxième par une analyse des résultats, et la définition de conseils d’orientation avec une proposition d’entretiens individuels.
Le test de positionnement est composé de cinq parties correspondant aux disciplines suivantes : les mathématiques, la physique, la chimie, la biologie et géologie. Le nombre de questions par discipline est respectivement de 20, 15, 15, 10 et 10. Les étudiants doivent aussi pratiquer une séance d’orthographe avec l’outil en ligne « Voltaire » pour une durée totale de l’épreuve de trois heures. Tous les étudiants inscrits en première année sont convoqués le même jour et à la même heure afin de réaliser ce test de positionnement de manière simultanée tout en ayant la possibilité d’en choisir l’ordre, un temps imparti étant fixé par discipline (mathématiques : 1 h, physique et chimie : 30 mn, biologie et géologie: 25 mn, français : 1h).
Dans le détail, la « L1 – Mise à niveau scientifique» du Portail SVT est un parcours de 1ère année dispensant une mise à niveau scientifique et permettant une validation de modules transversaux et d’un module disciplinaire. Sont concernés par ce parcours les nouveaux bacheliers ne disposant pas d’un baccalauréat scientifique (Bac S) où/et n’ayant pas les prérequis nécessaires pour suivre et valider le cursus classique de L1 SVT en une année.
Ce parcours est ouvert aux nouveaux bacheliers boursiers. L’étudiant admis dans ce parcours s’insère donc selon son souhait dans un contrat pédagogique adhoc selon son niveau d’entrée. Ce parcours « L1 – Mise à niveau scientifique – Portail SVT » n’autorise pas de redoublement. A l’issue de la 1ère année, l’étudiant est réintégré dans le parcours de L1 classique, voire réorienté si tel est son souhait suivant ses objectifs d’études.
Les modules de mise à niveau donnent lieu à évaluation en contrôle continu et à une note finale pour laquelle il sera tenu compte de l’assiduité. Ces modules ne donnent pas lieu à des ECTS. Leur validation est attestée par un relevé de notes dispensé à l’étudiant en fin d’année. L’étudiant peut en faire état dans le cadre d’une réorientation au bout de cette première année.
Seuls les modules suivants, une fois validés donnent lieu à des ECTS :
- Méthodes de travail universitaire (MTU) – 2 ECTS
- Connaissances scientifiques générales (CSG) – 2 ECTS
- Projet personnel professionnel – 1 ECT
- Préparation au C2i – 1 ECT
- 1 module disciplinaire – 6 ECTS (14 ECTS en tout)
Le suivi d’Unité d’Enseignement Libre donnera 2 ECTS supplémentaires L’étudiant qui a réussi son année de « L1 – Mise à niveau scientifique » poursuivra en L1 classique allégée des modules qu’il aura validés.
Contexte
Les étudiants inscrits en L1 – Mise à niveau scientifique ont suivi des études secondaires dans lesquelles peu d’enseignement de biologie sont proposés comme les études économiques et sociales. Ces étudiants âgés de 18 à 20 ans ont fait le choix de s’inscrire directement en « L1 – Mise à niveau scientifique » ou ont été identifiés comme pouvant être en difficulté en L1 classique après avoir réalisé le test de positionnement. Chaque étudiant inscrit a été vu en entretien individuel afin de mesurer et valider son engagement pour ce parcours en deux ans. Le groupe se compose de 20 étudiants, comprenant 16 filles et 4 garçons cette année.
L’enseignante responsable de la mise à niveau en biologie, F. Montrichard, souhaitait pour maintenir l’attention des étudiants innover dans ses séances de TD en changeant le rapport habituellement entretenu avec les étudiants, en apportant de l’interactivité entre enseignant et étudiants et entre étudiants. L’objectif recherché étant de les impliquer plus fortement dans leur apprentissage pour une meilleure réussite et une amélioration des résultats.
Méthodologie
L’enseignement de mise à niveau en biologie comprend 63 h de TD dans la maquette, au premier semestre, réparties entre trois enseignants. Cet enseignement comprend de la biologie moléculaire, de la biologie cellulaire et de la génétique.
Ce retour d’expérience concerne l’enseignement de biologie moléculaire et cellulaire qui comporte 44 h, à raison de 3 séances de 1h20 par semaine. Cet enseignement aborde principalement le mode de fonctionnement général des organismes biologiques basé sur les notions suivantes : structure des différentes classes de biomolécules et relations qui existent entre elles ; structure et fonction des génomes et des gènes (du gène à la protéine) ; notions de génotype, de phénotype, de métabolisme, de respiration et d’énergie.
L’enseignement a été repensé afin de rendre les étudiants acteurs de leur formation pour maintenir leur attention et favoriser un apprentissage rapide. En effet, beaucoup de connaissances doivent être transmises, et les étudiants doivent comprendre le fonctionnement des êtres vivants en peu de temps.
Après une ou deux séances de cours, pendant lesquelles l’enseignante expose les bases de la discipline à connaître, une séance plus active en travail de groupe est proposée aux étudiants. A partir des connaissances acquises, les étudiants doivent produire des questions d’un test d’autoévaluation, avec des propositions de réponses et des feedbacks. Ce travail collaboratif permet aux étudiants d’échanger, de comparer leur savoir et de s’entraider dans l’assimilation des connaissances théoriques. La production demandée impose un travail de rigueur, les étudiants ont la possibilité d’enrichir les questions ou les propositions de réponses avec des illustrations, mais ils doivent aussi schématiser les connaissances pour enrichir les questionnaires avec des questions glisser-déposer. Ils doivent enfin rédiger des feedbacks clairs et compréhensibles. Cette activité de rédaction est prévue en présentiel sous la surveillance de l’enseignante avec une régulation instantanée dans chaque groupe de travail et une régulation avec l’ensemble du groupe sur chaque question pour corriger immédiatement toute erreur de compréhension. Une séance particulière a été consacrée à la médiatisation des questionnaires dans moodle par les étudiants eux mêmes.
L’ensemble des questions créées fait appel à de l’acquisition de connaissance (niveau 1 de Bloom), les questions sont posées sous forme de qcm mais pas seulement. Cette année seules 27% des questions sont des qcm, les étudiants ont été très créatifs quand à l’échantillon des propositions, comme le montre le tableau ci-dessous. Les étudiants ont pris le temps de repérer les possibilités qu’offre notre plate-forme moodle et ont proposé des questions sous 6 formes différentes, qui leur ont demandé de s’investir aussi dans la recherche ou la création de schémas. Sur les 88 questions crées en 2015/2016 une seule est de niveau 3 de l’échelle de Bloom, elle propose de mettre en application la traduction d’un ARN en peptide (exemple 4).
Total questions | QCM | Glisser/ déposer | Cloze | Appariement | Oui/Non | Texte à trous | |
15-16 | 88 | 27 | 19 | 11 | 15 | 22 | 6 |
14-15 | 139 | 57 | – | – | – | 43 | – |
Résultats
La création de cette banque de questions sur laquelle les étudiants sont évalués s’est révélée bénéfique quant à l’engagement des étudiants. Les étudiants participaient de façon très active et étaient très attentifs en cours. Cette implication se traduit par une meilleure maitrise du vocabulaire et l’acquisition des notions importantes en biologie. La schématisation employée dans de nombreuses questions a aussi facilité ce travail d’apprentissage.
Cet engagement des étudiants a donc abouti à l’objectif voulu, la création d’une banque de questions dont le niveau est plus que correct, on peut dire qu’elle est de niveau L1, et a permis une autoévaluation des étudiants en fin de semestre.
Exemples de questions créées :
Les résultats des évaluations des deux ans montrent une meilleure réussite des étudiants de l’année 2015-2016. Il y a deux raisons principales qui expliquent cette réussite. La première raison est le changement de parcours, le parcours de 2015-2016 étant mieux adapté à une mise à niveau en biologie.
La deuxième raison repose sur les échanges qui ont été plus nombreux et plus constructifs entre l’enseignante et les étudiants. Ainsi un schéma général du métabolisme montrant le mode de fonctionnement des organismes a pu être élaboré. Ce schéma a servi de base pour comprendre le lien entre génotype, phénotype moléculaire, phénotype de l’organisme et environnement (à l’échelle cellulaire ou de l’organisme entier).
L’implication des étudiants s’est avérée encore intéressante et positive lorsqu’un exercice d’application leur a été proposé. L’exercice consistait à trouver dans une base de données en ligne (NCBI/gene), une séquence d’ADNc correspondant à un ARNm donné à utiliser un outil de traduction en ligne (Expasy/translate) et à caractériser la séquence (codon initiateur, codon stop, cadre ouvert de lecture, régions 5’ et 3’ non traduites etc…). D’autres schémas ont permis de comprendre l’hérédité et le brassage des gènes chez les organismes diploïdes qui est à la base de la diversité des individus.
Conclusion
Objectif de l’enseignant
L’objectif de l’enseignante responsable de la mise à niveau en biologie était de maintenir l’attention des étudiants et ainsi leur permettre d’acquérir les bases nécessaires pour rejoindre le cursus de licence classique dans de bonnes conditions. Pour cela, l’enseignante a privilégié les interactions entre elle et les étudiants. Elle a également fait en sorte que les étudiants soient acteurs de leur formation en leur demandant de faire des schémas et de créer des questions pour une autoévaluation. Cette méthode d’enseignement s’est avéré être efficace. En effet, à la fin de l’année 2015-2016, l’ensemble des étudiants avait compris le mode de fonctionnement général des organismes vivants et les bases de la diversité des individus au sein des espèces. Elle est également très satisfaisante et valorisante pour l’enseignante parce que les étudiants se montrent volontaires et ne baissent jamais les bras.
Les étudiants inscrits dans cette L1 de mise à niveau, ont mis en avant lors des entretiens la nécessité d’être à niveau scientifiquement pour valider une L1 SVT.
Ces deux années d’expérimentation d’une nouvelle méthode pédagogique montrent par la positive l’implication des étudiants dans leur apprentissage. Cette pédagogie active a permis en peu de temps d’apporter à ces étudiants de L1 mise à niveau beaucoup de connaissances, d’acquérir le fonctionnement des êtres vivants et de consolider ces connaissances par des exercices d’application.
La réaction très positive des étudiants sur les temps d’exercices d’application, nous conduit à en introduire davantage à partir de l’année prochaine.
Cette expérimentation a été mise en place la première année sur un nombre d’heures TD classiques. Mais aux vues des besoins des étudiants, il a fallu augmenter ce nombre d’heures, cette adaptation au fil de l’eau a rendu possible, le suivi et les relations particulières nouées avec ces étudiants de cette L1 mise à niveau. Le nombre d’heures allouées à ce module a été augmenté cette année de 14h, ce qui rend ce modèle de pédagogie active plus fonctionnelle.
C’est en effet un système d’enseignement performant mais très chronophage, qui mériterait d’être retranscrit en L1 « normale » sur quelques séances de TD.
Références :
B. S. Bloom, Taxonomy of educational objectives: The classification of educational goals; Handbook I: Cognitive Domain (Longman, New York, 1956).
Simon P. Bates, Ross K. Galloway, Jonathan Riise, and Danny Homer, Assessing the quality of a student-generated question repository ; Phys. Rev. ST Phys. Educ. Res. 10, 020105 – Published 18 July 2014.
S. Bottomley and P. Denny, A participatory learning approach to biochemistry using student authored and evaluated multiple-choice questions, Biochem. Mol. Biol. Educ. 39, 352 (2011)
Simon P. Bates, Ross K. Galloway, Jonathan Riise, and Danny Homer; Assessing the quality of a student-generated question repository (2014)
J. H. Paterson, J. Devon, J. McCrae, D. C. Moffat, and E. Gray, Enhancing the quality of student-generated MCQ’s: A final report, 2011.