J’ai suivi le MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » et j’ai voulu, grâce à cet article, faire un retour d’expérience. Pourquoi s’intéresser à la dyslexie dans le milieu universitaire ? Parce que les troubles dys concernent un quart des étudiant·e·s en situation de handicap inscrit·e·s à l’UA en 2022. Cet article tente de répondre aux questions suivantes :
- Que sont les troubles dys (en général) ?
- Quelles difficultés rencontrent les dyslexiques (en particulier) ?
- Quelles sont les conséquences de la dyslexie dans le contexte universitaire ?
- Quels accompagnements proposer ?
L’objectif : démystifier les troubles dys, et notamment la dyslexie, comprendre l’impact de ces troubles sur le parcours universitaire et proposer une réflexion sur l’accompagnement de ces étudiant·e·s.
Le MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider » est animé par une équipe pluriprofessionnelle et a été réalisé suite à une action-recherche menée à Lyon entre 2013 et aujourd’hui.
Pour en savoir plus sur le projet Etudys, cliquez sur le bouton ci-dessous.
Constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant.
Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Art. 2
Que sont les troubles dys ?
Les troubles dys sont des troubles spécifiques de l’apprentissage. D’origine neurodéveloppementale, ces troubles cognitifs recouvrent des réalités différentes : dysfonctionnement du langage, de l’attention, du geste ou du calcul. En aucun cas les troubles dys n’affectent l’intelligence ou les capacités intellectuelles. Les dys n’ont donc pas de retard mental.
Parmi les troubles dys, on trouve :
- La dyslexie et la dysorthographie (troubles du langage écrit)
« Il s’agit d’une altération spécifique et significative de la lecture (dyslexie) et/ou de la production décrit et de l’orthographe (dysorthographie) » - La dyscalculie (troubles des activités numériques)
« Ces troubles sont une altération de la capacité à comprendre et à utiliser les nombres. Ils affectent “les aspects procéduraux et conceptuels” du calcul et du comptage ainsi que la mémorisation des faits numériques. Ils s’associent souvent à d’autres troubles spécifiques. Ils en sont également souvent une des conséquences (troubles de l’attention et exécutifs, troubles du langage, troubles visuo-spatiaux, difficultés mnésiques). » - La dyspraxie (troubles du développement du geste)
« Ils portent sur le développement moteur, c’est à dire sur l’organisation des gestes et/ou l’acquisition des coordinations sensori-motrices et/ou des fonctions visuo-spatiales. Ils apparaissent dès les premiers stades du développement et se manifestent par des difficultés à adapter son geste à un objectif, à réaliser un geste ou à le reproduire, ce qui entraine une maladresse importante et peut être à l’origine d’une dysgraphie. » - La dysphasie (troubles du langage oral)
« Ces troubles concernent le développement du langage oral et peuvent toucher les aspects réceptifs (décoder le langage reçu) et/ou expressifs (phonologiques, lexicaux syntaxiques, etc.). Les personnes atteintes par ces troubles ont du mal à transmettre aisément des informations, des sentiments, à réciter des leçons, à raconter des histoires, à dialoguer, et ont des difficultés dans toutes les restitutions orales. »
Source : https://www.ffdys.com/troubles-dys/dyslexie-et-dysorthographie
En France, il y aurait 6 à 8% de personnes atteintes de troubles dys d’après la Fédération Française des Dys (lien vers le site FFDys). Les troubles dys font partie des handicaps invisibles. Le caractère invisible d’un handicap ne le rend pas moins envahissant ou moins invalidant. La situation de handicap est attestée et implique un certain nombre de difficultés que nous allons analyser.
80% des handicaps sont invisibles !
Quelles difficultés rencontrent les dyslexiques ?
Le trouble dys le plus répandu à l’UA – comme partout ailleurs – est celui du langage écrit. 80 % des personnes atteintes de troubles de l’apprentissage présentent une dyslexie. Cet article s’oriente donc naturellement vers les difficultés liées spécifiquement à la dyslexie et s’appuie sur les éléments présentés dans le MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider ».
La dyslexie est une façon atypique de traiter l’information. La problématique principale, pour un·e élève, est que la dyslexie touche aux domaines de base des apprentissages : la lecture et l’écriture.
Il existe différentes dyslexies (phonologique, de surface, mixte), aux conséquences variées mais dont la manifestation principale est l’incapacité à mémoriser la forme visuelle des mots et à les reconnaître globalement. « Ceci entraîne une lecture généralement hésitante, ralentie, émaillée d’erreurs, qui a pourtant exigée beaucoup d’efforts. » (FFDys)
Concrètement, ces étudiant·e·s rencontrent des difficultés :
- dans la lecture et l’écriture de mots nouveaux (les mots nouveaux, s’ils sont seulement entendus, ne sont pas reconnus lors de la lecture)
- dans la lecture et l’écriture de mots irréguliers (ces mots qui ne se prononcent pas comme ils s’écrivent – outil, automne –, posent des problèmes de reconnaissance)
Parce que la lecture n’est pas automatisée, elle demande beaucoup de temps et une très grande concentration. L’exercice de lecture génère alors une grande fatigue. Il en va de même pour l’écriture : parce que la correspondance phonème-graphème n’est pas automatisée, la segmentation des sons d’un mot est rendue difficile. Ces difficultés d’appropriation impliquent que les dys possèdent un stock lexical faible. Cependant, l’enquête menée lors du projet Etudys prouve que la compréhension globale n’est pas affectée. Les étudiant·e·s dys accèdent au sens profond d’un texte et en tirent autant d’informations que les autres.
Plusieurs troubles dys peuvent être associés (par exemple : un trouble de la lecture avec un trouble du langage oral). Les difficultés inhérentes varient en fonction des personnes.
Quelles conséquences de la dyslexie dans le contexte universitaire ?
Au-delà du défi que représente l’entrée à l’université – comme pour n’importe quel·le autre étudiant·e –, les dys sont confronté·e·s à leurs difficultés tout au long de leur parcours universitaire. Il s’agit là d’une particularité des troubles dys : ils sont durables. Ainsi, un·e élève dyslexique-dysorthographique le sera toute sa vie.
Suivre des cours au niveau universitaire suppose de prendre des notes à un rythme élevé, de manière précise et efficace et en volumes importants. Cela suppose également d’intégrer des notions nouvelles et donc d’enrichir son vocabulaire. Le travail en bibliothèque et la recherche sont des étapes incontournables demandées aux étudiant·e·s. Le temps long, nécessaire aux dys pour la lecture et l’écriture, est alors en contradiction avec les réalités de l’enseignement supérieur.
Les capacités intellectuelles de ces étudiant·e·s, la légitimité de leur choix d’étude, leur motivation ainsi que leur performance sont – souvent – remises en question alors qu’ils·elles abattent un travail personnel parfois colossal et toujours coûteux en énergie. Paradoxalement, les dys sont à la fois oublié·e·s – le handicap est invisible mais les difficultés sont ressenties au quotidien – et stigmatisé·e·s – les troubles du langage écrit sont assez méconnus et représentent un réel sujet de discorde au sein de la communauté universitaire.
- Les conséquences majeures pour les étudiant·e·s dys sont :
- la perte de motivation
- l’abandon de leur cursus universitaire
- l’échec aux examens
- l’isolement
Le handicap est une question de contexte, il se définit par rapport à un environnement. Ainsi, un·e dys ne sera pas en situation de handicap à l’écoute d’un texte, mais le sera lors de la lecture.
Quels accompagnements proposer aux dyslexiques ?
La dyslexie est un sujet complexe, qui offre assez peu de moyens de compensations. Il est tout de même possible de favoriser la réussite des étudiant·e·s dys.
Il est important de préciser que les étudiant·e·s dys se connaissent très bien, et sont très au fait de leurs difficultés. Ils·Elles ont, au fil des années, développé des stratégies pour gagner en efficacité et suivre le rythme qui leur est demandé. Il est important d’ajouter qu’il s’agit de profils travailleurs, qui sont confrontés au découragement de longue date. Autant de qualités qu’il est nécessaire de valoriser.
Que votre enseignement soit en présence, à distance, ou hybride, il est possible d’accompagner ces jeunes de manière efficace et durable. Les recommandations développées ci-après sont présentées à titre indicatif. Ces indications valent pour l’ensemble des troubles dys et, au-delà, pour bien d’autres situation de handicap.
En amphi (ou à distance)
La confrontation à des mots nouveaux, qui ne seraient pas intégrés au stock lexical des dys, est une difficulté que nous avons déjà soulignée. Une manière efficace de favoriser la bonne compréhension des termes – et donc des notions – est de proposer plusieurs voies d’appropriation. Si vous utilisez un terme nouveau, ou peu commun, à l’oral, il est essentiel de l’écrire (au tableau ou sur votre présentation). Les étudiant·e·s auront alors la possibilité de se représenter le mot dans toutes ses formes (écrite et phonétique). N’hésitez pas à laisser ces termes affichés le temps nécessaire, pour permettre à vos étudiant·e·s de les recopier et de les assimiler.
La prise de notes est essentielle, nous l’avons déjà mentionné, mais souvent redoutée par les étudiant·e·s dys. Parce que les dys sont ralenti·e·s, leur prise de notes sera imprécise – voire incomplète –, et l’énergie déployée pour ce faire les empêchera sans doute de s’investir dans une réflexion simultanée (poser des questions, faire des liens immédiats avec les notions vues précédemment). La voie orale étant privilégiée par la plupart des dys, il est important de pouvoir les laisser enregistrer le cours avec un dictaphone ou de proposer des activités du type « Prise de note collective » (pour en savoir plus, suivez ce lien). Cela permet aux étudiant·e·s d’enrichir leurs notes, a posteriori, et de se perfectionner.
Les Chargé·e·s d’accompagnement (Pôle accompagnement – DEVEC) réfléchissent actuellement à enrichir leur formation à la prise de notes en prenant en considération les besoins spécifiques des étudiant·e·s dys.
Les supports pédagogiques
Les supports pédagogiques sont la clé de voûte et le point de départ de tout apprentissage. Il est donc essentiel de proposer des contenus qui favorisent l’appropriation des notions et concepts par les apprenant·e·s.
La structuration est la première étape. Qu’il s’agisse d’un espace Moodle ou d’un simple fichier, il est essentiel de séquencer son support. Un fichier organisé et qui propose une progression logique permettra à vos étudiant·e·s de mieux identifier les notions clés et de mieux les assimiler. N’hésitez pas à diviser de grandes séquences en plusieurs, plus petites, pour offrir des paliers de progression réguliers.
Du point de vue de la forme, et parce que les dys éprouvent des difficultés à la lecture, il est important d’adopter la présentation suivante :
- Rédiger le support avec une police sans empattement (Arial ou Verdana par exemple), avec une taille de caractère 12 et un interligne 1,5
- Appuyer le texte à gauche (ne pas justifier son texte)
- Privilégier le gras pour mettre des termes en évidence
Cette présentation offre des repères visuels essentiels et assure un meilleur confort de lecture aux étudiant·e·s dys, aux autres étudiant·e·s en situation de handicap (déficient·e·s visuels par exemple) et, au-delà, à l’ensemble de votre cohorte.
Il est également recommandé de mettre à disposition vos supports pédagogiques en amont de vos séances de cours, pour que les étudiant·e·s s’approprient leurs contenus avant une présentation orale. N’hésitez pas à proposer des supports « flexibles », comme des fichiers Word par exemple. Beaucoup d’étudiants, en situation de handicap ou non, enrichissent les supports mis à leur disposition de leurs propres prises de notes ou réflexions personnelles. D’autres sont amené·e·s à « écouter » les fichiers, grâce à la synthèse vocale intégrée nativement à Word.
Fournir un fichier organisé, en respectant certaines bonnes pratiques (police et taille de caractères, interligne, texte aligné à gauche) est une étape incontournable pour accompagner ses étudiant·e·s.
En conclusion
Les troubles du langage écrit constituent un handicap peu envahissant dans le quotidien des personnes qui en sont porteuses, mais qui devient un vrai frein dans le contexte scolaire et universitaire. Plusieurs compensations sont proposées aux étudiant·e·s inscrit·e·s au Relais handicap, en fonction de leurs difficultés et de leurs besoins : aménagements d’étude (preneur·se·s de notes, recours à des correcteurs orthographiques) et aménagements d’examen (utilisation d’un ordinateur, temps majoré, secrétaire d’examen).
Au-delà des aménagements spécifiques offerts à ces étudiant·e·s, une réflexion plus globale est en cours, avec le pôle Accompagnement à la réussite (DEVEC), pour leur proposer un accompagnement méthodologique (gestion du temps, gestion du temps majoré lors des examens, prise de notes, etc.). L’objectif est double : offrir un parcours universitaire complet à tou·te·s les étudiant·e·s et faire monter en compétences les équipes sur le sujet du handicap.
Les étudiant·e·s dys sont des jeunes qui sont très au fait de leurs difficultés, qui ont développé des stratégies tout au long de leur scolarité pour pallier les retards et contourner les barrières. Il s’agit d’un public volontaire et investi, qui mérite d’être soutenu. N’oublions pas que le handicap est une question de contexte (dans un environnement accessible, le handicap ne sera pas un obstacle).
Le corps enseignant a aussi un rôle crucial à jouer dans l’accompagnement et la réussite, en prenant conscience de la pluralité du public étudiant. Favoriser la réussite de chacun·e, c’est faire avancer toute la communauté UA sur les politiques d’inclusion et d’égalité des chances. Le Lab’UA s’engage à accompagner chaque enseignant·e dans sa démarche de transformation de sa pratique pédagogique.
Pour aller plus loin
Si vous êtes intéressé·e par la dyslexie :