Le jeu est-il toujours ludique ?
C’est le sujet que des lycéens ont eu à traiter cette année pour le Bac de français. Le Lab’UA s’est donc amusé à disserter et vous propose sa copie.
Si la réponse était un simple oui ou non, nous n’aurions nul besoin d’en faire un sujet d’argumentation. Alors la question serait plutôt de savoir quand le jeu est ludique et, lorsqu’il ne l’est pas, pourquoi ?
Le jeu désigne indépendamment une activité ou un objet. Il est une activité physique et/ou mentale de divertissement, un passe-temps ou encore un amusement. Le jeu est régi par un ensemble de règles qui conditionnent les possibilités d’action des joueurs dans un espace donné, et les objectifs à atteindre. Selon le type jeu, et donc des objets qu’il convoque (sportifs, plateaux, rôles, cartes, vidéo, énigmes …), les stratégies mobilisées diffèrent pour atteindre ces objectifs. Associé au domaine des arts, le jeu relève de l’interprétation mettant pleinement en lumière les caractéristiques fictives et créatives qui lui sont conférées.
Pour que le jeu reste ludique : le divertissement doit être choisi, échapper aux contraintes du réel, avec une issue qui ne soit pas connue d’avance.
H.C. Blodgett (1929) explique qu’un « comportement ludique est un comportement exploratoire, facteur de construction de la connaissance ». Selon elle, le jeu est une activité ludique qui, au travers de l’objet, permet l’acquisition de connaissances ou d’une « disposition utile à l’existence ».
Le jeu, sous couvert d’être motivant parce que ludique, est donc vecteur d’apprentissages qui dépassent le seul cadre d’une partie. Selon J. Château (1954) le jeu est à l’enfant ce que le travail est à l’adulte. Il s’agit d’une occupation sérieuse participant au développement de l’enfant, et à la construction de sa personnalité. Le jeu permet aux enfants (ou autres participants) d’interagir avec son environnement : apprendre à jouer à tour de rôle, ou avec/contre les autres joueurs. En ce sens le jeu est facteur de socialisation.
Il permet la mise en action des joueurs, autour d’un problème à résoudre et d’élaboration de stratégies. Si cet aspect motivationnel est lié aux représentations ludiques et divertissantes du jeu, il peut également s’avérer couteux cognitivement. Le jeu requiert la découverte et l’analyse d’une situation, d’être investi pour atteindre le but fixé. L’attention nécessaire devrait réduire les effets d’ennui ou d’angoisse ; mais le jeu ne garantit pas pour autant de les éviter selon le type de jeu proposé et les profils de joueurs participants.
Ayant déjà définit que le jeu est vecteur d’apprentissage, il répond donc à une fonction pédagogique. Cela le rend alors adapté à une transposition dans le contexte scolaire ou universitaire qui nous occupe. Une question se pose alors, à l’heure où l’incitation à gamifier est plus forte que jamais : devons-nous jouer pour apprendre ?
Le jeu n’est qu’une modalité parmi d’autres, au même titre que des exposés oraux, des travaux pratiques ou une approche projet. Rendre un contenu pédagogique ludique ne se résume pas à faire jouer. C’est ici que ce situe la limite entre ludification et ludicisation. La première, synonyme de gamification, reprend les mécanismes du jeu en les transposant à d’autres contextes. La ludicisation place la pédagogie au centre de l’intention et adopte une attitude ludique en mobilisant les facteurs de la motivation ; et sans se concentrer sur l’effet de récompense du jeu. Préférons alors recourir au terme d’activité ludique (sous entendue, ludicisée) à celui de jeu.
Ainsi, il est important de définir un objectif préalable au « jeu » : pourquoi mobiliser cette approche ?
Simuler des situations authentiques ? résoudre un problème ? découvrir et réfléchir des notions ? fixer des apprentissages ? développer la collaboration ? observer et/ou travailler des postures, savoir-être ? On voit ici se dessiner les rôles conférés à tous les participants de l’activité ludique : maître du jeu, joueur, observateur, créateur, etc…
Nous conclurons en disant que le jeu n’est pas seulement ludique, mais toujours porteur d’intentions sous-jacentes. En fonction des objectifs et souhaits encourus, l’activité ludique engage et motive ses participants ; mais ne sera pertinente que si elle est cohérente et alignée avec l’objectif.
Si jouer invite à apprendre et créer, quels apprentissages réalisons-nous en créant des jeux ?
Vous avez 3h.
Sources et références complémentaires :
Duquesnoy, M., Gilson, G., Lambert, J. et Préat, C. (2019). La pédagogie du jeu. URL : https://portaileduc.net/website/la-pedagogie-du-jeu-2/
Lab’UA (2022) : Retour d’expérience : Découvrir les Serious Games ! URL : https://labua.univ-angers.fr/Projets/retour-dexperience-decouvrir-les-serious-games/
Lab’UA (2022) : Serious Game : le raisonnement clinique. URL : https://labua.univ-angers.fr/Projets/serious-game-la-raisonnement-clinique/
Rioux, M. (2021). Jouer pour apprendre : de la ludification à la ludicisation. URL : https://ecolebranchee.com/jouer-pour-apprendre-de-la-ludification-a-la-ludicisation/
Définitions du jeu [PDF]. URL : http://tmtdm.free.fr/media/textes/Le-jeu.pdf