Accessibilité numérique et enseignement supérieur : comment concevoir des enseignements pour tous ?
Le 16 juin 2022 s’est tenue la Journée d’étude sur l’accessibilité numérique à l’Université de Tours.
Cet évènement a été imaginé et organisé par le Centre d’Accompagnement à la Pédagogie pour les Enseignants (CAPE) dans le cadre du Projet PARM « Parcours de Réussite Modulaire ». L’objectif de cette journée était de réfléchir et de mettre en lumière des projets consacrés à l’inclusion et à l’accessibilité numérique dans l’enseignement supérieur.
Quatre Ingénieures pédagogiques du Lab’UA ont fait le déplacement, voici ce qu’elles en ont retenu.
Accessibilité numérique, inclusion et handicap
Réfléchir à l’accessibilité numérique sans parler d’inclusion et de handicap serait une gageure. Il a donc été question de la place du handicap dans nos sociétés – et a fortiori dans nos universités – et des évolutions successives qui ont menées à cette définition :
« Constitue un handicap […] toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
L’apport essentiel de cette définition réside dans la notion d’environnement, capacitant ou non. En d’autres termes, si l’environnement est favorable, une personne, quelle qu’elle soit, ne sera pas confrontée au handicap.
Cette considération récente – il a fallu attendre 2005 pour que la personne en situation de handicap soit reconnue capable – amène inévitablement à la notion d’inclusion, et pose la question de l’accompagnement des étudiants et étudiantes dans le contexte universitaire.
L’accessibilité numérique est un enjeu majeur. Pascal Plantard, Professeur des Universités et Anthropologue des usages des technologies numériques à l’Université Rennes 2, nous a rappelé en introduction de cette journée, à quel point « l’obligation du [tout] numérique n’est pas neutre pour tout le monde ». Le numérique peut être perçu comme une chance (ouverture sur le monde, lien social) ou comme une malédiction si l’on considère les fractures qu’il suppose (zones blanches, difficultés d’usage, précarité ou encore situation de handicap). Le numérique, ou plutôt les outils numériques, peuvent donc engendrer des situations de vulnérabilité. Nos universités doivent en prendre la mesure et proposer un accompagnement adapté à leurs communautés étudiantes.
Des projets inspirants et des réflexes incontournables
Beaucoup de projets et de réalisations ont été présentés lors de la JEA 2022. Qu’elles soient en cours d’expérimentation ou ayant déjà fait leurs preuves, ces actions ont pour point commun d’interroger nos pratiques numériques et d’améliorer l’accessibilité numérique lors de la conception des ressources pédagogiques et des enseignements.
L’accessibilité numérique n’est pas une affaire d’experts, nous pouvons – devons – toutes et tous y contribuer.
Que vous accueilliez des étudiants et étudiantes en situation de handicap moteur, sensoriel, psychique ou cognitif importe peu. Les réflexes incontournables de l’accessibilité numérique vous permettent de créer des ressources uniques (sans créer d’autres a posteriori pour une personne en particulier) qui conviennent à l’ensemble de vos cohortes.
Des collègues de l’Université de Caen nous ont présenté, en conclusion de la journée, une liste de 10 règles pratiques et faciles à mettre en œuvre. Nous vous proposons ci-dessous, une liste remaniée, utilisée par l’Ingénieure pédagogique pour l’accessibilité numérique de l’UA (vous pouvez dérouler les éléments pour avoir le détail de chaque point) :
Structurer votre document permet aux usagers d’avoir des repères (titres, sous-titres, paragraphes, etc.). La structuration d’un document favorise également la navigation au clavier. Quel que soit le type de handicap, la structuration d’un document favorise l’attention portée au contenu et la rapidité et l’efficacité de lecture.
Utilisez les styles disponibles dans les logiciels de traitement de texte pour structurer vos niveaux de titres.
Remarque : il est recommandé de ne pas justifier ses textes.
Si votre document comporte plus de 3 pages, ajoutez une table des matières. Générée automatiquement grâce aux logiciels de traitement de texte (si vous avez respecté la règle n°1), la table des matières permet aux usagers d’avoir un aperçu du contenu du fichier et d’accéder à une partie précise du document en un clic.
Le contraste est une opposition entre deux éléments. Cela peut être dans un texte, entre le fond de la page et la couleur des lettres ; dans une image, entre le fond (en arrière-plan) et un motif (au premier plan).
Le meilleur contraste est le noir sur blanc. Si vous utilisez des couleurs pour vos titres, veillez à ce que le contraste soit suffisant en choisissant des couleurs foncées.
Voici un texte peu visible, le contraste n’est pas suffisant et la lecture est rendue difficile.
Voici un texte visible, le contraste est suffisant et la lecture est facilitée.
La couleur peut devenir un problème si elle est le seul biais d’information. Il faut savoir que 8 à 10 % des hommes sont porteurs de daltonisme ou ont des problèmes de discrimination des couleurs.
Les moyens de transmettre une information autrement que par la couleur sont multiples et dépendent de votre contexte : indication textuelle, forme d’un pictogramme ou style typographique (gras, italique).
Privilégiez une police de caractères sans empattement, aussi appelée « bâton ». Il en existe de nombreuses mais les plus communes sont Arial ou Verdana. Ces polices favorisent la lisibilité de votre contenu et donc la rapidité de lecture.
Remarque : méfiez-vous des polices dites « spéciales dys » qui ne sont pas toujours adaptées et qui peuvent parfois causer plus de difficultés.
Tout comme le choix de la police de caractères, la taille influe sur la lisibilité de vos contenus. Privilégiez une taille 12.
Si vous souhaitez différencier vos titres de vos paragraphes, n’agrandissez pas vos titres outre mesure, une taille 14 suffit. Utilisez le style gras et un code couleurs contrasté pour différencier titres et sous-titres par exemple.
Titre (taille 14 en gras)
Sous-titre (taille 12 en gras)
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L’interligne joue un rôle important dans la lisibilité d’un texte, il doit être d’1,5.
Interligne 1
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Interligne 1,5
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Une image porteuse d’information est une image qui véhicule une information nécessaire à la compréhension du contenu auquel elle est associée. Les logiciels de traitement de texte vous permettent aujourd’hui de rédiger une alternative textuelle, pour décrire ces images.
Privilégiez un texte concis, centré sur l’information (quelle information nous apporte l’image ? pourquoi l’ai-je choisie pour illustrer mon propos ?)
Les images qui ne sont pas porteuses d’information sont considérées comme « décoratives ». Elles doivent être identifiées comme telles dans vos fichiers. Pour cela, utilisez les assistants d’accessibilité intégrés dans vos logiciels de traitement de texte et cochez la case « Marquer comme décoratif ».
Les ressources multimédias constituent des éléments incontournables, notamment dans les espaces Moodle. Qu’il s’agisse de médias vidéo ou audio, il est nécessaire d’offrir une transcription textuelle. Ce contenu donne accès à la totalité des informations exprimées oralement.
Remarque : le sous-titrage des vidéos peut s’avérer long et fastidieux, la transcription textuelle est donc une bonne alternative si vous avez peu de temps.
Il peut s’agir du texte que vous avez rédigé en vue de produire la vidéo.
La clé de l’accessibilité numérique est l’anticipation. Intégrer l’accessibilité dès la conception d’une ressource ou d’un enseignement vous permettra de gagner du temps (et de l’énergie).
En conclusion
Cette journée a été l’occasion de découvrir des projets, de partager des expériences, mais surtout de nous interroger sur nos pratiques et de nous rendre compte du chemin parcouru.
Bien que l’accessibilité numérique soit une notion ancienne, apparue dès la création du web, sa mise en œuvre reste trop rare (moins de 10 % des sites sont accessibles). Les choses avancent néanmoins et la cause de l’accessibilité numérique gagne du terrain, grâce à la législation qui oblige les institutions publiques à rendre leurs services numériques accessibles à toutes et tous.
L’Université d’Angers ne déroge pas à la règle et met tout en œuvre pour faire de l’accessibilité numérique un élément incontournable, qui participe de la stratégie centrale de l’inclusion.
Des actions de sensibilisation et de formation verront le jour à partir de l’année 2022-2023 pour que l’accessibilité numérique soit l’affaire de l’ensemble de la communauté UA.
Si vous avez des questions sur l’accessibilité numérique, ou si vous souhaitez vous faire accompagner, n’hésitez pas à nous contacter grâce à l’adresse labua@univ-angers.fr ou notre formulaire de contact.
- Pascal Plantard, Université Rennes 2
Société numérique, accessibilité et inclusion : quels enjeux pour l’enseignement supérieur ? - Melpomeni Papadopoulou, Université de Tours
Penser l’accessibilité numérique dans une formation ouverte à distance (FOAD) - Stéphane Amato, Université de Toulon
La personne liminale, entre le clavier et la chaise - Célia Maintenant et Maryse Rizza, Université de Tours
Projet Numévie, inclusion numérique tout au long de la vie - Julie Lemarié, Laëtitia Castillan, Université de Toulouse
L’accessibilité des manuels scolaires numériques pour les élèves présentant des troubles des fonctions visuelles - Sophie Jequier, Université de Bordeaux et Stéphane Poinsart, Université de Technologie de Compiègne
Quelle accessibilité des supports pédagogiques pour les étudiants autistes ? - Sophie Roesch et Marie-Laure Trébuil, Université de Tours
MOTEX : du mot au texte - Aude Adjalle, Université Montpellier 3
Retour d’expérience sur la prise en compte de l’accessibilité numérique dans la création de ressources numériques - Christophe dos Santos, François Hatot et Baptiste Doucey, Université de Tours
Applicabilité et intégration des principes d’accessibilité dans la réalisation d’un cours à distance - Morgane Courteille et Sarah Herviault, Université de Tours
Le Service handicap du Service de Santé Universitaire (SSU) - Sandrine Gelly-Guichoux et Veneta Andreeva, Université de Nantes
Enseignement supérieur et accessibilité numérique, comment concevoir des enseignements pour tous ? - Philippe Godiveau, Université d’Orléans
Vers une accessibilité raisonnée à l’université pour les étudiants Dys - Benoît Hélaine, Camille Hébert et Doriane Launay, Université de Caen
Concevoir une ressource numérique accessible